MIN
TANAKA extraits d'un entretien avec Jean CLAREBOUDT
(1979)
Jean
CLAREBOUDT: Vous APPARAISSEZ, vous dansez NU. Le crane, les sourcils
et le pubis sont rasés; par contre, le sexe est entièrement
caché, emmailloté. Le corps est enduit d'une matière
faisant penser à de la cendre. Pourriez-vous tout d'abord
préciser cet aspect de votre recherche où la nadité
semble débarrassée de la charge érotique et
sexuelle du corps ?
Min
TANAKA: Je crois pouvoir affirmer que j'ai éliminé
la charge sexuelle du corps. Etre nu ici est une notion. Cette notion
dépasse le sensuel pour s'incarner en un corps mental, en
un état mental.
Les naturistes, par exemple, pensent très naïvement
que le corps est resté absolument naturel et qu'il suffit
de rejeter les vêtements qui le couvrent pour retrouver un
état naturel! Je n'y crois plus du tout. Trop de rapports
artificiels se sont établis entre le corps et les objets,
les choses et les lieux depuis fort longtemps. Le corps de l'homme
contemporain pris dans ce réseau de rapports me paraît
donc très artificiel.
J.
C.: Vous avez éliminé cette charge en tant qu'apparence
localiséeécrite en tant qu'IMAGE du corps
sexualisé...
Cette chargecette énergiedispersée en
de multiples fragments, diffuse et non plus localisée, agit,
travaille et se travaille différemment.
M.
T.: Le phénomène sexuel est devenu pour moi et pour
la danse une énergie vitale, totale. Ce n'est plus seulement
une activité d'une partie du corps mais, basculée,
une énergie totale...
J.
C.: On peut penser à certains aspects du Tantrisme.
M.
T.: Bien sûr, il y a le même sens mais cette question
est fort complexe et engage de multiples choses... Répondre
sur un point précis contraint à faire abstraction
des autres malheureusement.
J.
C.: De quoi vous enduisez-vous ?
M.
T.: D'un fard, tout simplement, comme en utilisent les acteurs.
J.
C.: Etat de nudité qui n'est pas du domaine sensuel, une
notion de nudité plutôt dites-vous... Voilà
d'autres, de nouveaux « vêtements » un AUTRE CORPS...
CORPS PEINT, tout d'abord mat, tel que vous vous présentez,
puis « vêtements » produits par la danse elle-même:
LA SUEUR, souvent ruis-selante, corps lustré, brillant qui
me paraît « corps liquide » intermédiaire
et passage entre l'espace intérieur et l'espace extérieur.
Le corps mat, une fois la danse terminée, silloné,
re-vêtu des traces de lexpérience.
M.
T.: « LE CORPS »... en général les gens
pensent corps visuel. J'entends là un corps qui change, qui
devient un endroit, un lieu et se modifie de même. Il ne s'agit
donc pas d'un corps visuel défini, clôt, mais bien
d'un corps qui s'élargit, s'agrandit, jusqu'à se dénouer
dans l'espace.
Pour préciser les trois moments, les trois passages que vous
signalez, le spectateur voit d'abord, au premier instant mon corps
visuel, physique, indivi-dualisé et nommé Min Tanaka.
J.
C.: Vous vous présentez nu, parfois aussi vous choisissez
de rester un court instant dans votre survêtement, tête
encapuchonnée, figé en une attitude qui EX-POSE ce
corps précis et nommé. . . comme pour mieux le faire
disparaître ensuite.
M.
T.: C'est cela mais dans un second temps le phénomène
du corps personnel et visuel s'efface pour céder la place
à une respiration, un échange entre les spectateurs
et le corps. Il ne s'agit plus du tout de ma personnalité,
de mon individualité mais d'un nouveau corps, d'un corps
mental crée par cet échange, par cette respiration.
« Bien qu'une seule peau enveloppe l'homme (combien il est
excitant de réaliser qu'il y en a de fait qu'une), il perçoit
les événements extérieurs à sa peau
et pas seulement grâce aux facultés propres de cette
peau. Il faut croire à l'existence de « fils sensoriels
» reliant le danseur au spectateur. C'est-à-dire qu'une
infinité d'échanges sympathiques se produit entre
le danseur et le spectateur à travers la peau du danseur.
Et la danse est fonda-mentalement destinée à ce type
d'échanges et non pas à un échange au niveau
des formes et des mouvements. » Min Tanaka
J.
C.: Vous pensez éliminer la charge sexuelle et érotique
en emmaillotant le sexe. Paradoxalement envelopper et cacher est
aussi désigner, mettre en regard; je me demande si ce n'est
pas le seul et unique point du corps qui vous reste, en tant qu'individu
Min Tanaka pendant la danse...
M.
T.: Cacher le sexe et peindre le corps ont exactement le même
sens. Je pense que c'est la meilleure façon d'annuler un
endroit du corps par trop visible: le sexe, une joue ou tout autre
localisation de la peau... Ia paume d'une main qui bouge et change.
J.
C.: Pour vous, le sexe en tant que point du corps ne compte pas
plus qu'un coude, le haut du crâne ou un talon ?
M.
T.: Oui, c'est cela, pas plus.
J.
C.: Le phénomène de la transpiration, produisant un
CORPS LIQUIDE momentané, me semble très important.
M.
T.: Oui, mais il faut considérer que la respiration est dépendante
des lieux et du public. Chaque lieu produit une respiration différente.
Je danse partout: dans des endroits closthéâtres
et salles de spectacles, appartements, etc. qui provoquent une forte
transpiration du début à la fin; dans des lieux extérieurs
toit, terrasses, ruesou des sites naturels tels que
champs, plages, forêts, rivières, où je danse
dans le même état, sans suer.
J
C.: Dans le cas d'un lieu clos, la sueur, souvent abondante, sillonne
le corps, s'écoule des coudes, du haut du crâne (quand
vous êtes violemment basculé, arqué en arrière).
Elle tombe en pluievraiment des gouttes de pluie!. Se
déposent ensuite au sol des empreintes du corps. Ces relations
spatiales très différentes m'ont vraiment frappé.
Est-ce simplement posé sans plus, ou bien vous situez-vous
par rapport à elles? Comment se vivent ruissellements et
marquages ?
M.
T.: Je considère bien sûr que c'est très important.
Je m'efforce de tou-jours contrôler les directions des coulées
de sueur, tout comme j'ai toujours conscience de ces dépôts
d'empreintes. Je regarde toujours comment cela se passe. Ce n'est
pas seulement posé: des rapports se créent entre l'espace
et le corps et ces relations se modifient sans cesse. C'est un lieu
qui bouge, passe. La sueur à ce moment là est le véritable
corps.
J.
C.: Apparemment venue du haut, elle peut ruisseler par exemple en
deux sillons de part et d'autre de la colonne vertébrale,
sur les fesses, puis couler sur I'axe des cuisses, des jambes. ..
M.
T.: Quand le spectateur suit attentivement comment la sueur passe
sur le corps, cela forme réellement un corps de canaux, liaisons
et tracés. On ne voit donc plus la personnalité dénommée
Min TANAKA mais bien cette espéce de corps en formation.
J.
C.: Espèce de corps/espace de corps en train de se faire,
de se défaire, corps du moment, de l'instant, en instance
d'apparition/disparition...
Le JAPON possède une longue tradition utilisant des disciplines
et des techniques respiratoires. On peut citer le zen et les disciplines
qui s'y rattachent (les arts martiaux, la calligraphie, etc.). Il
semble que votre respiration soit centrée sur le ventre et
le bas ventre, les respirations nasales et bucales étant
réduites au minimum. Le phénomène de transpiration
signale aussi une intense activation de la totalité de la
peau. Utilisez-vous le souffle
M.
T.: Nous ne devons pas limiter ce système de respiration
au seul Japon. C'est plutôt un système oriental. Cette
tradition japonaise est originaire de Chine. On la retrouve notamment
dans le Taoïsme...
Bien sûr, j'ai beaucoup étudié et pratiqué
cette discipline traditionnelle, mais je croismaintenant qu'il est
plus important de respirer tout naturel-lement, commehabituellement
nous oublions que nous respirons.
L'homme a besoin d'oxygène pour travailler, pour bouger,
il en faut encore plus pour se mouvoirnaturellementtous
les muscles du corps, mais il faut absolument oublier que l'on respire
et ce que l'on respire.
J.
C.: Vous ne commencez à danser qu'après avoir procédé
à l 'examen le plus minutieux de tous vos sens et des sens
de tous ceux concernés. Etat de disponibilité, improvisation.
Quels niveaux du corps physique et psychique sont en jeu ?
«
L'improvisation m'est essentielle pour que puisse exprimer par la
danse, par impro-visation j'entend que je ne commence à danser
qu'après avoir procédé à l'examen le
plus minutieux de tous mes sens et des SCDS de tous ceux concernés.
Cela signifie qu'il me faut affronter et être ouvert a toute
question, provenant du fond d'expérience de chacun. A certains
moments mon corps cherche à devenir un médium et à
d'autres il est libéré de la gravité par Dieu.
Après avoir conquis et compris le fEux nerveux je peux abandonner
les parties de mon corps pour les réintégrer par la
suite. Nos corps ne peuvent se rappeler de leur histoire avec une
danse qui n'est dédiée qu'aux mouvements et aux comportements.
Il est urgent cependant de découvrir la nature et la liberté
des deux côtés de notre corpsa I'intérieur
et à l'extérieur de ma peau.
Il fut un temps où nos muscles dansaient en complète
harmonie avec notre esprit et nos sentiments mais maintenant ils
se rétrécissent à la vue d'un objectif articulé
se trouvant à 50 cm. Je veux croire que nos muscles sont
encore en vie, c'est-à-dire qu'ils sont encore capables de
s'étendre dans toutes les directions vers le futur de la
même manière que les enfants étendent leur curiosité.
Si les concepts ont un horizon pourquoi.notre quête du corps
n'en aurait-elle pas?
Essayez de voir ce que ça fait avec la pointe des pieds touchant
la terre. Faites un pas en avant, arrêtez-vous puis prenez
votre temps pour apprécier ce que cela signifie pour vous.
Regardez de près le corps des gens qui s'approchent et s'éloignent
les yeux à moitié ouverts ou à moitié
fermés. Nos corps sont toujours en gestation comme s'ils
avaient horreur d'être fixés dans Ea perfection. Remarquez
la danse légèrement vibratoire des muscles et des
organes de votre corps sans être seulement arrêté
par la danse facilement perceptible de la surface et des formes
extérieures du corps. Nos corps semblent être figés
dans des formes conventionnelles mais en fait ils lultent pour dépasser
ce conventionnel. Le corps, quant à lui, à la ferme
attention d'habiter ces formes et c'est pourquoi il continue à
vibrer infiniment. » Min TANAKA
M.
T.: L'improvisation implique tous les sens: physiques, mentaux et
autres mais pour en parler il faut prendre en compte le problème
du temps, considéré comme courant, flux, énergie.
Ceux qui viennent voir ma danse sont des corps individualisés,
mais déjà différents, modifiés par un
certain état. En regardant, leurs sens physiques et mentaux
changeront encore en donnant à la danse certaines influences
phy-siques, mentales, etc. De méme, certaines choses de cet
ordre restent après la danse dans les corps des spectateurs
et aussi dans mon corps. Le temps opère donc une relation
d'échange. C'est cet échange produit dans et par le
mou-vement du temps qui est très important.
J.
C.: ll peut y avoir aussi des réactions très agressives
J Un soir au Palace, des spectateurs ne supportaient pas, n'acceptaient
pas cette proposition d'échange. Une personne, visiblement
très agitée, est partie rapidement après avoir
ges-ticulé d'une façon qui se voulait parodie de votre
danse!... Steve LACY, avec qui vous avez improvisé ce soir
là, m'a dit que c'était bien ainsi... Le public improvise
aussi, il réugit, bouge et danse...
Le lieuprivilégié il est vraide l'exposition
« MA, Espace-Temps du Japon » au Musée des Arts
Décoratifs, à l'automne 1978, m'avait paru favoriser
et intensifier l'attention en un espace plus enveloppant...
M.
T.: Il n'était pas question pour moi bien entendu d'utiliser
le Palace dans son espace de discothèque. C'est pourquoi
je n'ai pas commencé sur la piste de danse, sur le lieu scénique.
J'ai choisi, sur l'instant, un endroit des gradins où était
installé le public. Un certain rapport s'est créé
et tous les spectateurs, à condition qu'ils le veuillent
vraiment, pouvaient se déplacer. Ils pouvaient réellement
voir.
J.
C.: Avant de danser, la veille ou dans la journée allez-vous
reconna~tre les lieux ? Y dansez-vous seul ?
M.
T.: Dans ce cas précis, j'ai demandé à voir
la disposition de l'éclairage, parce que c'est un lieu spécifique;
je l'ai donc étudié et déterminési
on ne fait pas d'éclairage, c'est tout noir!Mais je
n'ai pas répété, je n'ai pas dansé sans
les spéctateurs. J'ai seulement choisi, une fois ceux-ci
en place où je commencerais; c'est leur condition qui détermine
mon déplacement.
J.
C.: Pas de répétition, le projecteur baignait un lieu
vide de présence et d'action... Abordons maintenant les relationsqui
me semblent aussi très importantesavec l'espace sonore.
Musique produite par des musiciens japonais qui vous accompagnent
et d'autres selon les rencontres et les occasions: Steve LACY, Derck
BAILEY, etc., musiciens qui viennent d'une toute autre culture que
la vôtre.
Priviligiez-vous cet espace sonore musical? Le différenciez-vous
de la matière sonore émise par les bruits du public,
des matières, des lieux traversés pendant la danse
?
M.
T.: Tout est écouté, accepté. Ecouter les musiciens
et la musique, mais aussi tous les sons qui viennent des spectateurs
ou tout autre bruit. Ce soir là au Palace avec Steve LACY,
j'ai perçu un moment sa musique en l'acceptant sur un genou
tandis que je recevais des bruits sur la tête, lieux du corps
très différents et très variés. Ces
lieux d'accueil changent constamment.
J.
C.: A un moment, par exemple, Steve a ponctué l'espace de
sons « growlés » au saxophone soprano, qui semblaient
produire dans votre corps un mouvement ondulatoire comme un écho
de ces sons. Je ne l'ai pas perçu comme une « illustration
» de la musique...
M.
T.: Ni illustration de la musique, ni réaction de musicien...
Je crois qu'à cet instant s'est réalisée une
rencontre des sensibilités entre le musicien et moi-même.
Juste avant l'intervention, nous avions parlé de ce que nous
aimerions faire. Cette exposition mutuelle permet de se sentir,
de voir comment nous réagissons l'un et l'autre et ensemble.
J.
C.: Le bruit provoqué par les talons des spectateurs peut
prendre aussi énormément d'importance...
M.
T.: J'attache toujours beaucoup d'intérêt à
l'endroit où se passe la danse, aux relations et correspondances
entre le lieu et la danse. Je ne fais jamais abstraction des bruits
spontanés mais, au contraire je les écoute attentivement
car cela provoque une certaine réaction, cela agit sur la
danse.
J.
C.: Parallèlement à la danse, vous publiez «
DRIVE ON » un journal contenant des textes, des notes... I'écriture
semble une part importante de votre travail.
M.
T.: J'ai écrit et écrit encore beaucoup; un livre
sera d'ailleurs publié à I'automne 1979. J'ai fait
aussi des entretiens avec des artistes d'avant-garde.
J.
C.: Vous faites une très vive différence dans vos
propos entre UNE danse
et LA danse. En affirmant « c'est la danse » vous situez
votre propos à la fois dans et ailleurs que le seul domaine
chorégraphigue. Vous ovez parlé d'une danse essentielle,
originelle, de basic dance.
M.
T.: Je parle de la condition des spectateurs, du problème
des spectateurs simplement. Ce qui différencie ma recherche
d'une danse historique, for-maliste ou illustrative est que je vise
toujours à transformer les spectateurs, à ce qu'ils
sortent d'eux-mêmes. S'ils trouvent un nouveau langage, une
nou-velle expression, ma danse aura réussi. Son but est plus
que la danse . c'est l'effet, I'ensemble des effets qui surgissent
dans les spectateurs.
J.
C.: Il y a inversion, basculement du « point de vue »:
on pourrait presque dire que c'est vous qui regardez les spectaleurs
se transformer!
M.
T.: Vous avez raison, je suis tout à fait d'accord: je REGARDE
effec-tivement les spectateurs!
J.
C.: Vous dites qu'ayant conquis et compris le flux nerveux, vous
pouvez abandonner des parties de votre corps pour les réintogrer
par la suite. Voulez-vous parler de cet état passif/actif
?
M.
T.: L'abandon n'est pas définitif mais toujours momentané...
Etat rapide et incessant de va-et-vient entre l'abandon par projection
et le retour...
J.
C.: Quelque chose de comparable au phénomène de la
respiration, à l'inspiration/expiration ?
M.
T.:Ce va-et-vient continuel est élément constitutif
du mouvement et de l'unité de la danse. La respiration est
quelque chose de plus total, de plus global dans la mesure où
elle est faite concrètement par le lieu, la respiration des
spectateurs, etc. Cette projection et ce va-et-vient de la force
dans les muscles du corps est quelque chose de plus concret Je vous
ai montré un dessin décrivant le mouvement du regard
pendant une minute Une minute de la pensée humaine offre
un mouvement très complexe, très riche Ma performance
EST tentative de capter tous les mouvements, le maximum de mouvements.
J.
C.: En accordant autant d'intérêt aux uns et aux autres
sans les privilégier ?
M.
T.: Oui, il faut plutôt les capter, c'est cela qui est important.
J.
C.: Cela me paraît particulièrement évident
par exemple en deux points précis du corps: les mains et
le visage.
Le théâtre et la danse en ont fait des lieux privilégiés
d'expressivité, de mimigues et de gestes. Dans votre travailet
cela me semble du plus grand intérêtces points
ne sont plus des localisations de force, n'expriment plus un savoir
ou un pouvoir, mais sont au contraire des lieux de démunition,
de faiblesse.
n y a comme un refus du pouvoir expressif ou signifiant, les mains
ne peuvent plus ni affirmer ni saisir en relation avec la tête,
la parole énoncée ou saggérceavec le
visage. Il n'y a plus polarisation sur ces lieux du discours.
M.
T.: Pour moi le lieu de danse dans toutes ses constituantes forme
un corps. Le lieu est le corps. Dans ce lieu/corps je nie toujours
le corps indi-viduel et danse de façon telle que la distance
se réduise, les relations deviennent alors plus proches,
plus intimes, aussi plus ambiguës, indéfi-nissables.
Dans le théâtre classique, la pantomine ou tout ce
qui relève de ce genre de spectacle, le travail consiste
à affirmer et à fixer irrémédiablement
la distance, à la rendre claire et visible par la pensée
ou avec le sentiment.
Cest contre cette attitude de précision, de fixation
de la distance que je travaille. Je vise à effacer les frontières
et la distance, je le tente
J.
C.: En marge de cet entretien, nous avions parlé de la peinture
et de la sculplure minimaliste. Nous pourrions y revenir à
propos du processus de votre danse. Nous vivons un passage de l'horizontale
à la verticale de la « MARCHE SUR LE DOS »station
couchée et presque immobilé en un premier temps où
vous gardez les yeux fermés ou mi-closà une
verticalité de tensions incessamment remises en question...
Non plus une verticalité plantée, délinitive,
mais hésitante, oscillante... Une naissance à l'expérience
de l'être vertical.
M.
T.: J'ai parlé de la peinture minimaliste ou conceptuelle
en général Pour moi ces courants contemporains tendent
à fixer un concept dans l'époque.
Sans citer d'exemples j'y vois toujours une tendance à fixer
les formes en tant qu'horizon. Ça c'est ce que je ne veux
pas faire! Avant d'arriver à un concept fixe, je crois qu'il
y a beaucoup dans le processus de la naissance, de l'éclosion...
Dans celui-ci se passent des choses très riches... qui déjà
sont fixées dans un concept: «HORIZONTALITÉ»,
« VERTICALITÉ »!
Pour moi l'homme debout sur la terre est quelque chose de supérieur,
de suprême, mais il m'est impossible de fixer cette forme
dans la mesure où elle fige déjà tout ce qui
s'est passé dans le processus de la naissance, de la pensée.
J.
C.: L'état humain semble souvent vu en tont que verticalité
fixe et horizontalité délinitive. . . deux morts en
quelque sorte!
M.
T.: Oui, c'est ce que je ne veux pas faire.
J.
C.: Le sous-titreendless poperde « DRIVE ON »
votre publication, dit cloirement celo... Elle est abondamment illustrée
de photos et de dessins. Il y a notamment dans l'un des numéros
des croquis de mains montrant le travail des tendons. Est-ce là
des exercices que vous pratiquez ? A quoi correspondent aussi les
croquis du corps partagé en différentes sections,
en zones ?
M.
T.: Ces dessins montrent simplement le mécanisme des muscles
de la main et le jeu des tendons. Ceux du corps indiquent la structure
nerveuse du corps... Rien de spécial donc, tout cela est
reconnu scientifiquement, médicalement. On a tendance à
oublier tout ce qui est là, évident... C'est un peu
pour remettre tout cela en mémoire que j'ai voulu les placer
en hors texte.
|