“Barcelone / Passages couverts / PASSAGE découvert"

Jean et Jocelyne CLAREBOUDT débarquent à Barcelone en Ocrobre I974, un début d'après midi. Comment pénétrer/ être pénétré par la capitale catalane ? Certainement pas en se précipitant vers les musées et les églises mais plutôt en se laissant investir par le lieu, ici ce vieux paysage urtain au bord de la mer. Suivant la démarche qui lui est propre, Jean CLAREBOUDT encore une fois s'est laissé faire par le monde environnant, qu'il ausculte avec précaution, renonçant à l'autonomie de sa personne mais avec la pointe de conscience extrême qui précède tout juste la perte de la pensée. De la confrontation de son espace mental du moment avec l'espace urbain catalan est née cette vision métonymique de Barcelone où la géographie de la ville se résoud dans ce dédale d'entrées et de sorties ombreuses, passages inversés du même.
L'examen des documents photographiques, vestiges de l'action du I8 Octobre I974 produit une foule de sensations en cascades qui ressituent ce moment dans l'espace spécifique de Barcelone (ville méditerranéenne) suggéré par les détails architecturaux, précisé par les inscriptions qui apparaissent au hasard des clichés. Entrées baroques/ sorties sordides ou l'inverse, passages voûtés, colonnades, voûtes, ferronerie ou portes-vitrées, mosaïques, porte de petits hôtels grands ouverts, avec des lumières, mais l'om-bre - ruelles au salpêtre, passages tantôt absorbés par la nuit de l'immeuble d'où l'homme se détache, rantôt éclairés au fond mais toujours coudés : la montée, la descente sont donnés à voir dans le même temps de lecture mais l'entre-deux échappe au regard (vers où cet escalier ?) - les griffures de TAPIES sur les murs ravinés, passage de fraîcheur et de fievre. Passages à chaque fois dittérents mais qui semblent toujours ouverts de la même façon sur la rue -La dérive sinueuse épouse le labyrinthe de la ville aux heures du jour puis de la nuit dans un mouvement lancinant.
Il fait beau l'après-midi où j'écris ce texte, j'étale toutes les photos de l'action sur une pelouse.
L'homme entre/sort, rentre/ressort, l'homme monte/descend, remonte/redescend, sans fin, en un mouvement circulaire un instant figé dans chaque photo, un immense mouvement circulaire de bas en haut, - en bas - en haut - en bas. Une sorte de vertige magique naît de la répétition décalée dans l'espace du mouvement toujours semblable. Ce ne sont plus seulement les passages ombreux de barcelone, mais le MOUVEMENT du PASSAGE, de tous les passages. Le travail de CLAREBOUDT matérialise au regard ce que nous n'avons pas l'habitude de percevoir. Cette action est un point de son oeuvre en spirale exploratrice. Elle vient après la somptueuse série des portes intérieures, tableaux jamais montrés dans une exposition, où CLAREBOUDT avait pré-figuré sa démarche actuelle, portes mentales qui vibrent en surimpression de ce travail catalan et de ses oeuvres actuelles. Passage, moment du temps inscrit sur l'espace, temps d'une trace, passage d'eau, de feu, d'air et de soleil.

A la fin de l'action l'homme a disparu.

Il n'était pas encore là au début. Dans les deux cas demeure la présence des entrées vides où sont passés
tant et tant d'hommes que l'usure de leurs pas, celle de leurs vies, sont encore inscrites au creux des marches, sur les larges pavés des corridors et sur les murs décré-pis. Passage du temps qui jamais ne s'arrête de faire et de défaire, de couler et d'user et qui parfois s'incarne dans les actions des hommes dont les traces fragiles pal-pitent encore longtemps après la disparition des acteurs.

Jean Marie GIBBAL

 

Pasajes / barcelone
Jean Clareboudt : " Pasajes/Barcelone " Octobre 1974, photos Jocelyne Clareboudt

1
arrière après midi
dans la sueur des murs l'humide empèse le crepi
ses plaies de vulve sèche où nul ici ne suinte
et craque sous le clair

7
proches .............s'effacent ...........
............un râle .........................
....face .....................la rampe luit
....................le même lieu

8
l'oeil répand vanne le sol
puis ses farines d'os vitreux
contre le mur son dos lui
la lumière monte la nuit est un anneau

9
usure territoire de latrine
la lampe tombe des caissons
- où l'invisible face ?
mais les clartés viennent du bord

10
la main contre le mur
rampe
invisible ou minée où va la fuite
sinon dans l'ombre de la chute ?

11
verse le sang des lampes
le glaire des brûlures
sous le ciment tenu de grilles droites
et de bois refermé

12
errance où demeure le regard elle gommée
par la coupure tue la mosaïque dans ses miettes
passe de l'heure du jour
à l'heure de l'inguiet

14
mêmes mais l'un ................ morte......
.................... sur la marqueterie
......................................................
............l’eau peinte.....

16
les mots nêmes
sont sur la craie l'humide
là ou lessive dans ses épingles le sol bave ses limailles
sur la peau moite des plafonds

18
pas à pas le silence
la carie noire des lueurs imbibe rouille saigne
glisse la porte lèvre lente
de son seul oeil
bruits pour les "PASAJES" de Jean Clareboudt ( hier 29 avril 1976 )

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