Neuenkirchen, 31. Mai 1981
J.C.

"WINDBERG" peut être considéré, en ce moment précis de ma démarche, comme le point majeur—autant par ses dimensions que par l'extrême économie de moyens plastiques — d'une séquence de travaux qui, des "PLATS-FOND (1979/1980) aux "ELEVATIONS" (1981) s'est attachée à la perception et la matérialisation de l'espace "ENTRE".
Les "PLATS-FONDS" le révélait par la mise en jeu des notions de plaqué, fixé et suspendu sur ou à partir du lieu spécifique qu'est le plafond. Les pièces métalliques et les toiles marouflées sur bois (suspendues) furent présentées à la galerie Farideh Cadot, Paris, en 1980 et ont donné lieu aux installations plus complexes à la dernière Biennale de Venise (exposition Esperienza à Bordeaux) à New York Alternative Museum (exposition Une Idée en l'Air, nov. dec. 1980).
Les "ELEVATIONS", montrées au début de cette année au Musée de Toulon, ont développé les notions de posé, de collé, sans dualisme ni dissociation mais simultanément. Organisées à partir du vide central à la fois vacant et actif, elles montrent une permanence évidente de mes préoccupations (appuis, décollements, fractures, ruptures qui font lien/poids.
Leur fonctionnement peut être comparé à celui de la TABLE, simultanément sol et plafond, DANS l'espace.
Les développements récents, notamment l'installation intitulée "DIE WOLKE DES BILDHAUERS 4" (exposition Hammer 2, à Bâle), conjuguent les divers possibles des "PLATS-FONDS" et des "ELEVATIONS".
Lieu fixe toujours changeant, révélateur et amplificateur de l'action des éléments du mouvement du temps, "WINDBERG" n'a pas été seulement érigé pour lui même, mais pour ce qui (s) y passe.
C’est dire là que je ne le considère pas comme une oeuvre fermée sur elle-même achevée, mais que son infinitude, dès la fin de ma mise en oeuvre, de mon inter-vention puis de ma distance, est le début de son activité propre, AVEC le monde dédiée, donnée au monde . . .
Ce qui sera sa vie sera inéluctablement sa mort, longue usure voulue et prise en charqe, assumée dans le fonctionnement même de "I'oeuvre".
Table d'ecoute. On sera parfois surpris mais attentif aux sons produits par le passage du vent, par le martellement de la pluie ou de la grêle sur la surface métallique.
Plaque sensible. Etre attentif aussi à la progression des ruissellements de rouille teignant les roches avoisinantes, aux scintillements de givre et de gel puis à l’évaporation des buées montantes sous l'action du soleil hivernal, à la fixation comme suspendue, flottante de la neige, aux déplacements sur le sol de l'ombre portée et à la projection solaire à travers l'évidement central; tous mouvements, de I'extrême fluidité à la cristallisation, qui sont l' ECRITURE et l'INSCRIPTI0N du temps et des éléments. Avec cette installation, d'une nouvelle dimension, concise et concentrée, s'actualisent des préoccupations déjà anciennes.
L’approche du point central, rendu difficile par le terrassement circulaire de roches brutes mettra le corps (ce terme étant ici compris sans dissociation du physique et du mental) en alerte et modifiera la perception, changement nécesaire à une appréhension différente, fut-elle inconsciente et non analysée, non raisonnée.